L’avènement des Sciences nous donne l’illusion de comprendre le Vivant, et par là même, de le contrôler.
Le déterminisme prétend que tous les évènements, y compris les actions humaines, sont déterminées par des causes antérieures. Pourtant, nous savons maintenant que la Vie n’existe qu’à la marge entre l’Ordre et le Chaos, et que le hasard sauvage est à l’œuvre, même dans les sciences fondamentales comme la Physique ou les Mathématiques (épisode #93 avec Michel Galiana).
Le réductionnisme, de son côté, suppose que les systèmes complexes peuvent être compris en les décomposant en leurs éléments fondamentaux. Il est facile d’en voir les limites : comment expliquer le sourire émerveillé d’un enfant en étudiant les particules des atomes qui le constituent ?
Pour nous protéger de ces biais scientifiques, nous avons deux armes précieuses, malheureusement oubliées de l’égo tout-puissant d’Homo Modernus :
“Je sais que je ne sais rien” qui correspond au dernier étage de la pyramide de la connaissance, aujourd’hui abandonné au profit du “Je sais que je sais” beaucoup plus confortable pour notre cortex préfrontal qui déteste l’incertitude.
La pensée en arborescence, qui embrasse la complexité en dressant des ponts entre les différentes disciplines, les Savoirs, les Idées, et l’Empirisme.
Je citerai pour finir cette maxime d’Elisa Marsaud que je tâche de ne jamais oublier : “Les vérités d’aujourd’hui sont les mensonges de demain”.
Alors, que savons-nous vraiment ?
Pilier 02 : La variabilité est la norme
S’il est une discipline où le réductionnisme est à l’œuvre plus que n’importe où ailleurs, c’est certainement la nutrition. Les aliments ne sont plus le reflet d’une envie, d’une poésie, d’un subtil mélange de couleurs et de parfums, mais un enchevêtrement de macronutriments, vitamines, minéraux, antioxydants, oxalates, lectines, gluten etc…
Pourtant, comme le raconte mon ami Pierre Dufraisse (#125), un aliment n’est pas bon ou mauvais en soi : c’est son interaction avec nos muqueuses qui fondent ses bienfaits ou méfaits. Or celle-ci dépend de notre histoire, de notre génétique (épisode #113 avec le Dr Mouton), des espèces qui vivent dans notre microbiote, de la performance de nos organes digestifs, et même de nos pensées.
Henry Ford disait que peu importe que tu penses que tu vas réussir ou échouer, tu as raison. Nos super-cerveaux ont été façonnés par des millions d’années d’évolution pour tenter de prédire l’avenir. Mais ces facultés consomment énormément d’énergie, et réviser un modèle encore plus. Alors ils préfèrent souvent avoir raison plutôt que d’avoir juste. Cela signifie que si tu penses que le gluten est mauvais, peu importe que ce soit réellement le cas, il y a fort à parier que tu aies du mal à le digérer.
Le jeûne est une pratique très évocatrice de cette réalité. Comme tu as l’habitude de manger à heures fixes, les premiers jours sont difficiles, car les prédictions du cerveau sont contrariées. Mais au bout du 3ème ou 4ème jour, sa plasticité lui aura permis de réévaluer son modèle, et il enverra paradoxalement moins de signaux de faim, alors même que physiologiquement, le besoin de nutriments augmente.
Quoi qu’il en soit, je pense que le jeûne est une bonne chose. Lorsque le système digestif est au repos, le corps peut utiliser les 40 à 50% d’énergie qu’il monopolise normalement, pour d’autres processus, comme la détoxification ou l’autophagie. Dans une société de croissance infinie où les ressources sont illimitées, tu peux simplement acheter un nouveau tee-shirt lorsque ton ancien est abimé. Mais en période de crise, tu recycleras probablement l’ancien avec un fil et une aiguille. Pendant le jeûne, le corps fait la même chose : un grand ménage, où il décompose les cellules sénescentes pour en créer de nouvelles, jeunes et dynamiques (plus d’infos dans l’épisode #84 avec Fabien Moine).
Oui, je pense que le jeûne est bénéfique (et donc il y a toutes les chances qu’il le soit pour moi). Mais pas tout le temps, sinon mon tee-shirt rafistolé ne sera plus qu’un squelette dénutri. Le régime cétogène montre lui aussi de nombreux avantages pour guérir du diabète ou affamer des cellules cancéreuses. Mais sur le long court, les données deviennent contradictoires. Les corps cétoniques sont d’une puissance hors normes… mais demeurent une voie de secours qui nous a permis de survivre à des hivers rigoureux en attendant le retour des beaux jours.
Dans notre quête d’optimisation et de certitudes, nous avons tendance à confondre les outils avec les principes. Le jeûne comme le régime cétogène sont des outils, et tirent leur puissance du contexte, de l’environnement, du terrain, jamais de l’absolu. Nous cherchons la linéarité là où la variabilité est la norme.
Et c’est probablement ce qui fonde toutes les préoccupations actuelles autour des lectines ou des oxalates. Incapable de s’enfuir, les plantes ont développé des armes phytochimiques pour tuer leurs agresseurs. Pourtant, plusieurs de ces composés sont aussi des antioxydants bénéfiques. En réalité, autant que dans les bains froids ou le sauna, l’hormèse est toujours à l’œuvre.
Celle-ci se caractérise par 3 phases : exposition à un stresseur, temps de récupération suffisant, surcompensation positive. Le problème, c’est que la disponibilité des mêmes aliments tout au long de l’année nous emprisonne dans la première phase. Autrefois, nous mangions des amandes pendant 2 ou 3 mois, quand nous avions la chance de trouver un amandier. Notre corps pouvait tirer parti de leurs nutriments… et détoxifier ce qui devait l’être les mois suivants.
Varier son alimentation au fil des saisons, qu’il s’agisse des ratios de macronutriments, avec des périodes plus glucidiques et d’autres plus low carb, ou de la teneur en micronutriments et en polyphénols, est un Principe qui caractérise l’évolution humaine.
Ceci est d’autant plus vrai aujourd’hui, où les défenses des plantes se doublent des inventions modernes : résidus médicamenteux, pesticides, engrais, microplastiques, métaux lourds… la pollution est partout, mais varier nos expositions reste la meilleure façon d’y survivre.
Ce questionnement peut s’appliquer aux bilans sanguins et aux compléments alimentaires : Nous pouvons objectiver des niveaux sous-optimaux de certaines vitamines, minéraux, hormones… Et les compenser par des formulations industrielles. Mais devons-nous le faire ? Comment qualifier les seuils ? Sommes-nous conçus pour avoir toujours la quantité parfaite de Magnésium, toute l’année ? À l’image de la sensibilité à l’insuline, nos récepteurs ne seraient-ils pas plus sensibles à des fluctuations ? Quels déséquilibres collatéraux risquons-nous de causer en fixant artificiellement les niveaux d’hormones thyroïdiennes ?
Je ne dis pas qu’il ne faut pas prendre de compléments : j’en prends. Ni qu’il ne faut pas faire de tests sanguins : j’en fais. J’en appelle simplement à une approche plus proche de notre histoire, fondée sur des aliments véritables, avec des nutriments préservés dans leur matrice, agissant en symbiose plutôt que de manière isolée.
Dès lors, la nutrition peut devenir simple. Des protéines de haute qualité, des fruits et légumes de saison, éventuellement une pincée de sel et un filet d’huile d’olive. Voilà la base, celle sur laquelle tu ne peux pas te tromper, la loi de Pareto de l’assiette parfaite en 2025. Elle a survécu à l’effet Lindy et survivra aux nouvelles modes qui nous passionneront cette année encore.
Les podcasts liés :
#125 : Trouver le chemin de la pleine santé au milieu du chaos – Pierre Dufraisse
#121 : Bœuf nourri à l’herbe : l’impact prouvé sur ta santé et l’environnement – Pierre Weill
#117 : Ces Superaliments qui sabotent ta santé – David l’Orme Vert
#116 : Simplifier la nutrition : la méthode pareto pour la pleine santé – Dr Yoni Assouly
#113 : Les 5 micronutriments que ton médecin ne vérifie pas – Dr Georges Mouton
#112 : Révolutions Médicales : Génétique, Épigénétique et Microbiote – Dr Didier Chos
#109 : Viande rouge, l’ennemie qui vous veut du bien – Robin Rafaitin
#98 : Hack tes neurotransmetteurs pour doper ton énergie et ton humeur – Florence Pinheiro Ortolan
#84 : Jeûner pour une vie plus intense ? – Fabien Moine
#81 : Le régime de la clarté mentale – Jack’s Team
Ton défi pour 2025 : Plutôt qu’aux dogmes, fais confiance à l’empirisme, au terrain et à l’expérimentation. En cas de doute, repars toujours de la base (légumes et fruits de saison, idéalement locaux + protéines de haute qualité). Soigne tes pensées, pends le temps de cuisiner, de savourer et de partager, avant de penser à la biochimie.
Inspiration
🎙️ Limitless : Cette erreur qui brise tes performances - Stéphane Brogniart
Sincèrement, un super épisode, avec de puissants learning de prépa mentale pour performer (ou simplement arriver). Mais également une dimension plus philosophique de la façon dont un grand défi sportif peut être moteur de développement personnel.
❎ Outil dev perso : C’est le moment de faire ton X
J’en ai déjà parlé ici : le X est pour moi l’outil le plus simple et le plus puissant pour trouver ses zones de génie, savoir quoi faire et quoi déléguer, dans quoi progresser et se former. Aussi utile à l’échelle individuelle qu’à celle d’une entreprise, c’est le moment idéal pour le faire. Voici le mode d’emploi officiel de Blaise Dubois (#68).
🤯 Reco Podcast : Pourquoi vous ne serez jamais le meilleur (et c’est ok) - Docteur en Neurosciences Albert Moukheiber
Le mythe d’être “la meilleure version de soi-même”, la réalité derrière la peur du changement, pourquoi toutes les émotions sont positives, l’impact du terrain sur la prise de décision… Albert Moukheiber debunk un tas de fausses croyances sur les neurosciences et apporte une vision à contre-courant du développement personnel.
📚 Reco Livre : ULTRA TRAIL (nouvelle édition) : Sante Performance Plaisir - Guillaume Millet
Franchement, un super livre, très documenté sur plan scientifique, mais aussi riche d’expériences terrains, le tout enrobé dans un style espiègle très agréable à lire. Le livre aborde les facteurs de la performance, l’impact sur la santé de telles épreuves, la préparation physique et mentale, le matériel et la planification. Et si ce n’est pas déjà fait, je t’invite à écouter mon épisode avec Guillaume Millet sur Limitless.
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