Ce que m'enseignent les sommets
Accepter le chaos et le traverser, pas après pas, pour admirer la beauté du monde et célébrer celle de la vie.
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Nos villes sont des endroits magiques, conçues sur-mesure pour l’être humain, afin de lui apporter confort, sécurité et abondance. Nos fenêtres nous protègent des intempéries, nos agendas rythment nos journées, et Uber Eat vole à notre secours lorsque nos frigos sont vides (ce qui n’arrive jamais).
La montagne en est le parfait opposé. Elle est dangereuse, imprévisible et douloureuse. Et c’est ce qui la rend si merveilleuse.
Lundi matin, la tempête hurlait. Les yeux rivés sur le radar météo, nous attendions un créneau pour monter au refuge de Gnifetti à 3647m, point de départ d’une série de 7 sommets de 4000m que nous projetions de gravir avec Liv Sansoz.
Mais les rafales de vent à + de 90km/h clouait les remontées mécaniques. Alors nous sommes montés à pied. Au pas de course, l’orage à nos trousses, dans le silence de notre anxiété, comptant les secondes entre les éclairs et le tonnerre pour estimer notre avance. Finalement, 1350m de D+ plus tard, nous arrivons au chalet, suspendu au pied du glacier, pour manger une soupe bien méritée et quelques pâtes.
Réveil à 3h45 le lendemain matin. Les ponts de neige au dessus des crevasses sont plus sécurisés lorsque le soleil ne les fait pas fondre. Mais un coup d’œil au blizzard qui soufflait dehors nous dissuade de prendre le départ dans une visibilité quasi nulle.
Finalement, à 6h30, nous chaussons nos crampons, cordes et piolet pour partir à l’assaut des nuages. Après quelques heures de marche, nous atteignons la pointe Parrot à 4432m. Le vent glacial nous tétanise, mais il faut rester concentrer. Suspendu sur une arête, les conséquences d’un faux pas seraient fatales.
Nous enchaînons avec la pointe Gnifetti à 4554m puis la pyramide de Vincent à 4215m avant de redescendre, 8h plus tard, vers le téléphérique. 3 sur 7, mais ce n’est pas une course. La montagne nous ramène à notre vulnérabilité, et réveille notre humilité. L’ego n’y a pas sa place, à moins de finir au fond d’une crevasse.
Voilà ce que m’enseigne la montagne. Contrairement à nos quotidiens aseptisés, elle est incontrôlable. Libre, sauvage, et impitoyable. “Donne moi la force d’accepter ce que je ne peux changer, le courage de changer ce qui peut l’être, et la sagesse de distinguer l’un de l’autre.”
Elle nous oblige à aimer la variabilité et nous récompense de la beauté époustouflante de ses sommets. Là, suspendu entre ciel et terre, transi par l’effort et l’euphorie, la vie prend tout son sens. Simple, précieuse et fragile.
Mais la montagne, c’est aussi la métaphore de notre potentiel infini. Lorsqu’à son pied, on aperçoit ses pointes perçant les nuages, elle nous écrase par sa stature. Et pourtant, il suffit de mettre un pas devant l’autre. Lentement, doucement, en appréciant toute la beauté du chemin, et des paysages qui se succèdent devant nos yeux. Des environnements extrêmes, à l’image des hauts fonds océaniques ou des planètes éloignées. Et sans y prendre gare, nous y sommes. Tout en haut.
Enfin, c’est la célébration. De l’amour. Du partage de ces émotions au-delà de la moyenne et du bonheur de retrouver ses proches de retour en bas. Serrer ma femme et ma fille dans mes bras, et leur dire combien je les aime. L’impression d’une vie infinie nous cache parfois l’essentiel.
Accepter le chaos et le traverser, pas après pas, pour admirer la beauté du monde et célébrer celle de la vie. Voilà ce que m’enseignent les sommets.
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